Marc Lagnier
Glose
à « Eurydice » de Gonzalo Hermo.
Au cœur de cette sombre sylve, je
finis par entrevoir une fenêtre.
J’entends encore la voix des
défunts me murmurer à l’oreille :
-Vois.
De l’autre côté du fleuve tu
trouveras la raison de ton désir
Qui jamais ne périra (-Quevedo
dixit-).
Ce que tu y rencontreras sera
d’une telle beauté
Que tu auras la soudaine sensation
d’assister
À l’abrupte naissance de toutes
choses.
Je ne puis me souvenir de ce qui
advint ensuite,
Comment étais-je arrivé au terme
de mon périple ?
Je me rappelle seulement être revenu
maintes fois
Des sombres cercles de l’enfer (-Dante
dixit-)
Afin de poser ces mêmes questions
Qui aujourd’hui me poussent à me
remettre à l’ouvrage.
Je m’aventure de nouveau à la
lisière du poème,
Comme un loup errant se glissant
dans les ténèbres de la nuit.
Un vague air de déjà vu,
Un artifice de la mémoire :
Des branches de frêne,
Un recoin du monde où les
couleurs s’élancent, s’étendent et se répandent
Comme dans une forêt façonnée par
le pinceau d’un fleuve.
J’ai vu le fleuve se jeter, dans
un dernier élan,
Dans les fatals bras de la mer,
de la mort (-Manrique dixit-),
Avant qu’elle ne sombre, à son
tour, sous les traits ardents de l’horizon.
J’ai vu la vie éclore aux
frontières
Où la terre, au son des antiques
violons de Venise,
Dépeint le teint, le rythme et la
cadence des Quatre Saisons.
Tandis qu’une feuille tombait,
agonisante, les saules, eux, fleurissaient.
L’idée que je m’étais faite de
mon humble foyer se languissait peu à peu.
Ils dirent alors :
- L’objet de ta quête se trouve
là-bas, derrière.
Tout ce qui, dans ce monde,
véritable république du vent (-Bocángel dixit-),
T’a, jusque-là, paru vain et
absurde, trouvera soudain tout son sens,
Tout son sens.
Mais je ne pus me résoudre à
fixer ce qu’ils semblaient m’indiquer.
Car, tout comme la rose, il n’est
de vérité qui ne cache sournoisement quelque épine.
Car, tout comme Janus, la vision
et le silence ne sont que les deux faces d’un seul et même visage
Pour un corps qui se souvient
De la main qui le retient, le détient et le détourne de
son propre désir.
(Épilogue)
La fenêtre, c’est
l’écriture ; la nuit, l’enfer.
Seul le cœur du loup peut
comprendre la nuit.
Quelquefois, seulement, la
lumière fait son entrée,
Quand la vie réunit son cortège de
masques et de frasques.
Alors le poème fait silence
Pour écouter les balbutiements de
ce carnaval de l’univers où se confondent
Vie et songe, désir et réalité
(-dixit à deviner-).
Eurídice
No corazón do bosque atopei unha
fiestra.
Escoito a voz dos defuntos bisbándome ao oído:
—Mira.
Ao outro lado atoparás a razón do teu desexo.
Será fermoso como ollar de pronto
o nacemento abrupto de todas as cousas.
Despois xa non puiden recordar
como cheguei a este punto do camiño.
Só lembro regresar do inferno máis veces
para facer as mesmas preguntas
que hoxe me alentan a volver á escrita.
Entro de novo no poema como un lobo na noite.
Coma nun déjà vu,
un engano da memoria:
ramas de freixo,
pequeno lugar do mundo onde as cores se espallan
coma nun bosque atravesado por un río.
Vin o río morrer no mar
e o mar caer na liña do horizonte.
Vin a vida agromando nas estremas
onde a terra determina a cadencia da estación.
Era pola caída da folla e florecían os salgueiros.
A miña idea de fogar esvaecía pouco a pouco.
Dixeron:
—A razón da túa busca atópase detrás.
Todo canto no mundo che é estraño
terá sentido de repente,
de repente.
Pero eu non puiden mirar.
Porque non hai verdade que non doia.
Porque o prezo da visión é o silencio
para un corpo que lembra
ser detido pola man do seu propio desexar.
[Epílogo:]
A fiestra é a escrita, o inferno é a noite.
Só o corazón do lobo comprende a noite.
Só hai luz ás veces
cando a vida convoca o seu balbordo
e o poema cala
para oíla balbucir.
d'A vida salvaxe (Arte de trovar, 2018)
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